Les années ne soignent guère la nostalgie et je ne sais pas bien pourquoi mais chaque 31 octobre me ramène à Rome où l'OL terrassa la Lazio en 1995. C'était mon premier déplacement européen et quelques autres ont suivi depuis. L'ambiance d'un Olimpico à demi rempli n'avait rien à voir avec l'ambiance qui nous accueillit en 2007 avec la Roma, mais nous étions en Italie et pour la première fois depuis 35 ans l'OL jouait un club italien. Ce fut un premier voyage véritablement épique, un vrai trip dans un grand pays de culture de tribune pour la plupart d'entre nous. La police italienne, casquée de bleu ciel, la bande rouge sur la couture du pantalon, le foulard autour du cou roulait les mécaniques, on ne se sentait pas franchement bienvenus mais on percevait bien qu'en cas de problème cela pouvait pleuvoir sec. Drôle d'impression. Parcage étalé, guère organisé, mais complètement détraqué sur les deux buts. Les déplacements suivants en Italie confirmèrent cette impression. La police cherche à intimider, elle y a du répondant, sans finesse mais une partie de la tribune semble vous appartenir tant que la ligne blanche n'est pas franchie. La police y semble dans une logique de gestion et d'affrontement dont les limites ne sont pas celles que l'on connait en France.
Côté Pays Basque, je ne connais guère le principe mais l'Ertzaintza ne fait guère rigoler, il faut dire que pendant de longtemps, les questions d'émeutes urbaines ont du leur donner pas mal de fil à retordre... Basques, masques, casques (... et Bergamasques), leur entrée dans la tribune lyonnaise après les tensions consécutives au premier but (Gomis en première mi-temps) calma sérieusement les esprits. Comme je le fis remarquer à un stadier local, pourtant costaud comme un basque, avec la police c'est plus très fair-play... Le reste du match se passa finalement sans encombre, malgré les chants pro Ultra Sur des mecs du Nord, San Mames cessa de s'indigner et les gamins de l'autre côté du filet ne se fatiguèrent plus à agiter leurs drapeaux pour le rassemblement des prisonniers de l'ETA dans les prisons du Pays Basque. Auparavant la journée avait été chargée : quelques agressions de supporters lyonnais dans le casco viejo par des ultras de Bilbao à la recherche des fameux copains des US, une arrivée du bus des joueurs de l'Athletic salué par des fumigènes rouge et vert et pour couronner le tout une charge des indep' Bilbainos vers le parcage lyonnais une heure avant le match qui fut dispersée déjà par l'Ertzaintza. Nous étions deux à arriver derrière ce groupuscule casual qui prit ses jambes à son cou après avoir balancé un fumi sur la camionnette des flics.
Moyennant 60 euros, vous obtenez l'accès à votre parcage de San Mames et avez le loisir de suivre le match derrière un filet qui vous gâche bien la vue, mais auparavant la sécurité vous a demandé de retirer vos chaussures pour inspecter celles-ci... Plus qu'un accueil, une démonstration d'hospitalité ! La Cathédrale de San Mames a ceci de respectable qu'il s'agit d'un stade très à l'ancienne avec quelques piliers au milieu de la tribune latérale. Le parcage se trouve au rez de chaussée, sous le virage supérieur, c'est une cage à lapin confinée où l'on a l'impression de pouvoir toucher le plafond. Ca permet à la zone de résonner comme il faut, ce qui finit toujours pas encourager les Gones à chanter plus fort. Finalement, il ne s'est pas passé grand chose mais la soirée n'eut rien de très "carton-bleu", au contraire. Ambiance un peu bête et méchante - à l'ancienne - puis enthousiasme légitime et rafraichissant tout au long d'un match à rebondissement... un match de l'OL début saison 2013, finalement. Après tant d'années à crever de haine face à l'apathie lyonnaise récurrente sur les pelouses, on finit par être surpris par cette envie de jouer et de gagner souvent naïve qui prend nos Gones cette saison. La "cathédrale" resta silencieuse et les 200 Gones du parcage profitèrent de l'aubaine pour faire entendre leur joie. La mobilisation n'avait rien de grandiose mais au moins le passage à la C3 a nettoyé les parcages des touristes squattant les zones visiteurs lors des déplacements "prestigieux"de C1. Reste aux groupes Nord et Sud de retrouver cette envie de se déplacer en Coupe d'Europe, de s'approprier à nouveau ce club et de le pousser au cul comme il semble l'aimer depuis quelques mois. A la fin du match, tous les joueurs sans exception vinrent partager la joie du parcage en restant un bon moment sur la pelouse. Classe ultime : le retour de Grenier, fraîchement douché une demie heure après le match qui vint offrir son maillot (qui, coup de bol échut à un gone assidu des déplacement européens). Il fallut bien 45 minutes pour sortir du stade, aller voir les joueurs pour nous puis soigner à la caña les cordes vocales endolories avec des copains belges et du Nord.
L'Athletic, quant à lui, avait atteint la finale de la C3, balayé par l'armada latino de l'Atletico à Bucarest, on peut légitimement penser que le calendrier s'allègera plus tôt pour eux cette saison. Le club galère, Llorente est puni, il boude et cire le banc, le pressing est léger, c'est très laborieux et après 4 matches les Basques sont derniers du groupe avec un seul point. Du côté de la culture, en revanche, la "néo-trendy" Bilbao semble toujours plus fière de son Athletic, malgré l'avènement de la culture qui a secoué la cité industrieuse et grise du passé. Les couleurs rouge et blanc sont omniprésentes sans être envahissantes, les souvenirs des décennies passées restent à l'honneur. Les maillots du Barça sont rarissimes, ceux du Real Madrid n'ont visiblement pas droit de citer.
Au final... une victoire de plus à rajouter à l'impressionnante liste des conquêtes lyonnaises depuis 20 ans en Europe. Qu'importe le silence radio des médias, gagner à San Mames reste une authentique performance.